« Nous faisons l’hypothèse que l’obsolescence des milieux convoités est une résultante de l’approche programmatique qui prédomine et contraint aujourd’hui majoritairement notre pratique de concepteur. En effet, la dissociation systématique programmation/conception peut se révéler réductrice du potentiel créatif des projets dans certains cas, condamnant ainsi leurs capacités de réversibilités. il est temps d’expérimenter une autre approche en rebondissant sur ce constat d’obsolescence programmatique qui a conduit les milieux à l’abandon.

Nous proposons alors une approche expérientielle ! »

De l’approche programmatique à l’approche expérientielle : changeons nos processus de création pour éviter la standardisation et l’obsolescence programmée

 

De nos jours, dans la pratique, mais aussi dans le langage courant, nous définissons souvent un espace, une architecture par sa programmation. On pourrait alors parler d’une pensée métonymique de la conception. Mais comment cette prédominance programmatique influence-t-elle le projet ? Cette substitution ne serait-elle pas une réduction du potentiel spatial conduisant à une standardisation de la production ? Cette surdéfinition programmatique ne serait-elle pas à l’origine de l’obsolescence programmée en architecture ?

« La métonymie est une figure de style. Elle consiste à désigner un objet ou un concept par un terme qui est habituellement attribué à un objet ou un concept en rapport avec lui. Cette substitution s’effectue dans un même système logique. »

Il est vrai que la conception spatiale est conditionnée par une prédominance programmatique qui initie tout projet de construction. En effet, avant même l’attribution d’un marché à une équipe de concepteur, une programmation est établie par des programmistes (qui ne sont pas en charge de la conception du projet). Cette programmation résulte d’une interprétation des besoins locaux et d’enjeux politiques. Elle est ensuite soumise à des enjeux économiques, de normes techniques, administratives, etc. qui figent progressivement les potentiels spatiaux avant même d’avoir débuté toute réflexion spatiale. Ce cahier des charges (ou programmation), c’est en fait l’établissement d’un cadre de contraintes spatiales. Il s’agit d’une détermination fonctionnelle, qui pose les limites, qui conditionne et enferme le concepteur dans un système de règles, de normes. Nous pensons que c’est toute cette machine programmatique antérieure à la conception qui pousserait à une standardisation de la production architecturale et urbaine de nos jours. En effet, l’étiquette programmatique « logement » ou « équipement » conditionne le concepteur et l’imaginaire commun. Le seul fait de substituer un espace à une étiquette programmatique (avec toutes les contraintes qui vont avec) réduit l’espace de créativité pour le concepteur et renvoie à une image standard pour les habitants. Cette substitution rigidifie la conception et génère des systématisations, des automatismes, des standards.
L’espace construit, et l’espace vécu qui en découle, sont alors réduit, « métonymiquement » à un programme. On parle bien dans ce cas de la substitution d’un espace (qui possède ses qualités spatiales propres), à son identité programmatique. Dans ce cas, cette vision métonymique n’est pas qu’une figure de style, elle active cette substitution sur l’espace. En effet, nous pensons alors que cette pensée métonymique réduit considérablement le potentiel créatif des espaces et limite l’apparition d’hybridités spatiales, de lieux indéfinis programmatiquement, de libertés d’usages. Elle rend l’appropriation et la réinvention de l’espace parfois impossible. En effet les contraintes spatiales qui ont dicté la conception se répercutent dans l’espace qui est produit. L’espace de créativité limitée du concepteur peut trouver écho à des espaces limités et peu appropriables dans la réalisation. C’est ainsi que nous produisons des lieux surdessinés et programmatiquement contraignants. Dès l’instant où la fonction définie à l’origine ne correspond plus aux besoins, et aux contextes, qui eux sont évolutifs et changent avec le temps, alors l’espace se trouve vidé de sens, inutilisable. Nous sommes là pour proposer et expérimenter un nouveau système de pensée, dans le but d’accompagner les lieux vers de nouveaux usages, qui ne seront cette fois pas contraints ni contraignants.
L’approche programmatique aurait alors contribué à précipiter l’obsolescence architecturale et urbaine dans le cas des territoires que l’on se propose de régénérer. C’est pourquoi P.E.R.F.O.R.M! se consacre à l’expérimentation d’une approche alternative pour transformer et réactiver les lieux tombés dans l’obsolescence. Si cette approche a échoué, il est aujourd’hui important de fabriquer de nouvelles approches alternatives à la pensée programmatique afin de libérer la spatialité de cette condamnation préétablie. Il s’agira alors aussi de créer un nouveau lexique pour définir plus justement les qualités intrinsèques des espaces afin de ne plus les limiter à leur enveloppe programmatique qui « dé-termine » leurs formes et leurs usages. Si l’obsolescence architecturale est apparue, c’est parce que la pensée programmatique à l’origine n’a peut-être  jamais intégré la réversibilité au cœur de ses préoccupations. Nous faisons alors un constat d’inadaptabilité des constructions. La perte de la fonction initiale a vidé l’architecture de son sens parce que son adaptabilité n’a jamais été anticipée. C’est pourquoi il ne devrait plus exister de limites entre la programmation et la conception dans le cas des régénérations urbaines, afin de permettre une évolution de la pratique sur ces terrains, une production architecturale et urbaine qui saura s’adapter aux besoins changeants et aux mutations nécessaires.
Notre approche révolutionne cette vision programmatique de la conception, en proposant d’aborder une tout autre vision, celle de l’expérience comme moteur de création spatiale. En effet, approcher la conception spatiale par le vecteur expérientiel permet d’ouvrir la réflexion plutôt que de la contraindre. Expérimenter cette nouvelle approche sur les délaissés permet de construire cette pensée expérientielle et de la théoriser (d’un point de vue de la recherche). Son objectif principal est de transformer durablement les lieux obsolètes et d’inscrire dans leurs mutations, une nouvelle capacité à se réinventer, et donc une force d’adaptabilité lui permettant de ne jamais redevenir obsolète.
Ainsi, on ne penserait plus le « logement » comme du « logement », mais comme des lieux où on pourrait avoir des expériences liées à l' »habiter » (dormir, manger, se réunir, se détendre, échanger, s’exprimer, créer, travailler, etc.). Le vecteur de l’expérience permet d’abstraire des fonctions et libère ainsi la création de toutes images préconçues, standardisées. En sortant de l’étiquette programmatique et de l’objet qui lui est associé de manière conventionnelle, on ouvre tout un champ de possibles de formalisations et d’usages nouveaux. Penser lieux d’expériences plutôt que programmation (associée à un standard) libère l’espace de ces contraintes établies et ouvre une création spatiale plus souple, créative et « innovante ». Par exemple, sous l’approche programmatique, on commanderait au concepteur un mur d’escalade pour un gymnase. D’office, on imagine une paroi verticale avec des prises moulées multicolores. Lorsque l’on parle de l’expérience d’escalader, on voit devant nous tout un panel de possibles, d’imaginaires, de souvenirs qui stimulent la création plutôt que de la restreindre à un objet commun. L’expérience d’escalader prend racine dans une multitude de fonctions associées, comme celle de se surpasser, celle de retrouver un horizon, celle de l’effort, celle de la curiosité qui pousse l’escaladeur à monter pour voir ce qu’il y a après, etc. Penser en termes d’expériences nourrit l’imaginaire et stimule la création. On commence alors à devenir créatif lorsque l’on cherche à transformer les espaces afin qu’ils puissent devenir supports de ces nouvelles expériences.
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